Archives du blog

Cyberépisode 5 - JOUR 4 - 20660616 - Les catcheuses rêvent-elles de vaches électriques ?

 La nuit porte conseil, des plans avaient été élaborés. Sven aimait les plans, à condition de ne pas s'exposer. C'est Chipahuac qui seule avait pris le canyon avec quelques chevaux pour faire diversion, tandis que les autres le contournaient par les hauteurs pour prendre le village en tenaille.. Depuis le clocher central, leur snipeuse avait bien failli lui décrocher la tête, mais la Double-Déesse veillait comme toujours sur Chipahuac. Moïra avait éliminé cette menace avec un tir lointain dont elle avait le secret. Garance s'était occupée discrètement d'un gros balourd parti pisser et qui n'avait pas eu le temps de remonter son pantalon, les autres avaient fait leur part également, sans trop d'accroc.

En s'approchant, tout le monde avait éprouvé alors comme une onde de choc. Toute leur cybernétique était tombée en rade. Jeff se retrouva au sol à ramper lamentablement, Sven n'avait plus de bras, Moïra était trop loin de la scène qui du reste se déroulerait maintenant à l'intérieur de l'église. Seules Chipahuac et Garance pouvaient être encore à peu près opérationnelles. Pendant que cette dernière entrait dans le bâtiment par une porte sur la droite, Chipa cassa un vitrail du côté opposé et jeta un oeil. La scène était limpide : Spirit, une redoutable tueuse masquée de métal tenait un long katana sous la gorge d'Arlette, à genoux devant elle. Arlette devait vivre : il ne fallait pas se rater, ou la partie était perdue. Mais Chipahuac, sûre d'elle, avait une vue bien dégagée, prête à tirer, la tête de Spirit en ligne de mire. Contre l'avis de ses acolytes, elle savait qu'elle pouvait. Il suffisait d'un tir unique et bien ajusté. Se sentant acculée, Spirit avait alors esquissé un mouvement rapide de volte-face : c'était le moment ! Chipahuac fit feu, mais... Damned ! Son flingue lui explosa à la figure. La Double-Déesse était capricieuse et éprouvait son enfant la plus chérie...

La configuration avait changé. Spirit avait détaché Arlette et tenait maintenant sous son cou son avant-bras, armé d'un redoutable bracelet épineux. Visiblement, c'est elle qui contrôlait le dispositif anti-cyber. Elle pouvait désormais dicter ses conditions... Elle exigea que Moïra vienne les rejoindre. Chipahuac, qui avait repris ses esprits, voulut bluffer, mais les autres n'avaient pas voulu prendre de risque. Malgré tous les signes, ils leur manquaient toujours la foi. Que Tiacapan-Coatlicuë leur pardonne... Ce fut au tour de Moïra de se positionner docilement sous le joug du second bracelet de Spirit, qui avait maintenant deux otages et avançait lentement vers la sortie du village. Tous avaient déposé les armes et regardaient s'éloigner le trio, impuissants. Chipa portait Jeff sur ses épaules (ce qui ne le laissa pas de marbre), Sven privé de ses bras, puis Garance... Tout le monde suivit dans une tension palpable. Cependant, Moïra, définitivement, devait devenir l'héroïne du film : à l'entrée du canyon, elle avait recouvré l'usage de sa main cybernétique; en un éclair, elle planta une seringue dans la cuisse de Spirit, qui tomba immédiatement sous l'effet du liquide sédatif. Chipa accourut, acheva le travail et rengaina son bigripp ensanglanté. Tout était terminé. Ou presque.

Après avoir dispensé les félicitations d'usage, et promis plus encore, Arlette était partie rejoindre le dôme. Une fête mondaine aurait lieu le soir pour célébrer ce nouveau film événement de la production. Le petit groupe entreprit de dépouiller les cadavres de toutes leurs armes, puces et gadgets en tout genre, sans oublier le masque et le dispositif anti-cyber, une petite sphère qui tenait aisément dans la poche de Chipa. 

 


 Une fois cette tâche terminée, Jack vint les chercher. Pendant que Sven, Jeff et Moïra étaient allés chercher les chevaux restants avec lui, Garance et Chipa s'étaient rendues dans ses appartements sous prétexte d'une douche. Sur ce chemin du retour, elles remarquèrent trois triporteurs absents le matin. Sans doute les véhicules des employés venus préparer la fête. En arrivant, elles virent l'ordinateur de Jack trôner sur un bureau et Garance entreprit immédiatement de le cracker. 


Tout était là ou presque. Plannings, plans détaillés du dôme - qui comportait aussi un sous-sol, inventaire détaillé du système de défense avec ses unités cybernétiques - 6 droïdes, 25 drones armés et 3 cyberdogs. Pour la fête, il faudrait également s'attendre à cinq ou six employés. Des témoins supplémentaires potentiels à supprimer. L'affaire n'était pas mince. Scan semblait contrôler au moins en partie le système. Information que Sven semblait corroborer, ayant soutiré vaguement ce renseignement à Jack lors de leur expédition hippique. 

 





 

C'était l'heure des plans. Il fallait ramener deux têtes au lieu d'une. En premier lieu, éliminer Scan pour paralyser la sécurité. A moins qu''un ordinateur central... ? Sven aimait les plans. Et plein de questions... Quel était le rapport avec le Japon ? Pourquoi Vladimir s'intéressait à la tête du Révérend ? Que venait faire Gibbs ? Une rallonge ? Une avance sur un prochain film ? Sven voulait jouer la comédie : ils seraient enthousiastes, ils en redemanderaient encore, ils useraient de séduction et de tous les chemins sinueux pour soutirer un maximum d'informations. Mais surtout Sven avait peur. Plutôt que l'efficacité, il chérissait outrageusement la prudence, quitte à ne pas voir clairement l'inutilité de ces stratégies trop élaborées. Quitte à escamoter l'étude des plans du dôme, par une crainte puérile et irréfléchie que les implants braindance ne révèlent leurs intentions. A force d'insistance, on lui avait cependant – plus ou moins - cédé. Chipahuac restait sur la réserve, on essaierait les stratagèmes de Sven, mais... au gré des circonstances...

Il était donc temps d'extraire ces "mouchards" qui mettaient Sven mal à l'aise. Ils rejoignirent la porte du dôme. L'entrée, interdite par un droïde, devait se faire sans armes. Sven, retournant sur ses pas, fit du zèle en allant rapporter les siennes dans leurs appartements, les autres se contentèrent des vestiaires. Scan les accueillit, seule. Un à un, ils l'avaient suivi dans une pièce médicale au premier étage pour procéder à l'opération.

Chipahuac évalua rapidement la situation. Personne d'autre, aucune machine à l'horizon, et la pièce maîtresse de l'arsenal qui ne pouvait rien soupçonner. L'occasion était trop belle et ne se représenterait pas deux fois. Elle avait encore son bigripp à dispostion. Le système serait désarmé, désorienté, à leur merci. Le choix le plus sûr : l'effet de surprise.

Chipahuac monta rejoindre Scan en dernier. A peine le scalpel passé sur sa peau et l'implant expulsé de sa chair, la puissante hybride pivota aussitôt et enfonça sa lame dans l'oeil métallique. Scan tenta de réagir et de porter un coup, mais Chipa fut rapide. Une autre perforation plus profonde au même endroit parut achever son adversaire. Une sirène retentit. Les restes du robot s'animèrent encore maladroitement pour risquer une étreinte ultime et desepérée. Mais déjà, le bigripp plongeait dans l'abdomen de la machine, et toute "vie" s'en échappait.

La sirène ! hurlante, lancinante... Chipahuac se rua hors de la pièce. Elle embrassa la situation d'un regard. Toutes les portes du dôme s'étaient fermées hermétiquement et les escaliers cylindriques s'étaient retractés sous la surface. Sur la droite, Moïra et Sven s'étaient planqués derrière un canapé renversé. Aucune trace de Jeff ni de Garance.

Elle sauta sans effort depuis l'étage jusqu'au rez-de-chaussée. Pas de droïde, pas de drone, pas de menace apparente. Mais la sirène poursuivait son chant plaintif, par delà la fin de Scan.

Une explosion retentit ! La porte d'entrée s'entrebailla, légèrement. Jeff, évidemment, faisait parler la poudre !... Ignorant les vociférations de Sven dont les yeux accusateurs roulaient de colère, Chipa se précipita dans cette direction, déploya son bigripp et l'introduit dans l'ouverture pour aménager définitivement le passage vers la sortie. Dans le sas, ils revirent non seulement l'ami félin, mais aussi Garance. Il s'étaient visiblement occupés d'un droïde qui gisait à leurs pieds, épars, découpé en tranches nettes et soigneuses.

La sirène...

Ils récupérèrent leurs armes (excepté Sven) et rejoignirent en courant l'extérieur. Un spectacle étrange s'offrit alors à leurs yeux. La vingtaine de drones du complexe s'était disposée selon une formation régulière, tout autour du dôme. Tout en restant à plusieurs mètres du sol en vol stationnaire, ils semblaient rester en l'état, immobiles. Leurs armes s'étaient déployées, mais aucune n'était braquée sur eux. Garance et Jeff confirmèrent que le droïde qu'ils avaient exécuté avaient également adopté une attitude peu réactive. Ils décidèrent de ralentir le pas pour éviter toute provocation malencontreuse, puis se mirent de nouveau à l'abri dans le bâtiment où ils avaient passé la nuit.

Sven laissa éclater sa rage. Chipa était irresponsable ! Chipa ne pensait qu'à tirer à tout va sans réfléchir ! Chipa avait compromis la sécurité de tous et la réussite de la mission ! Chipa les privait d'infos précieuses ! Chipa, Chipa, Chipa... Devant toutes ces attaques en rafales, Chipahuac justifia qu'elle avait saisi une opportunité et que tuer Scan au plus vite était parfaitement cohérent au vu des informations qu'ils avaient. De fait, la sécurité du complexe semblait s'être figée, même si la sirène continuait de s'époumonner. La seule interrogation valable, c'était sur leur paiement, mais on pouvait supposer que le film était parti par voie satellitaire avec les crédits, avant que Scan ne se désactive, ou encore qu'Arlette-Révérend avait fait le nécessaire. Surtout, Chipahuac comprit que les choses ne s'étaient pas déroulées comme SVEN l'avait voulu. Sven n'avait plus confiance en elle. Tant pis, c'était son problème, pas le sien.

Il fallait désormais agir de manière à simplement maintenir ce même niveau d'alerte. Ils avaient une petite fenêtre de temps pour aviser de la suite des opérations... Les uns et les autres firent d'abord le point sur les armes de leurs adversaires qui les intéressaient. Chipahuac prit deux Cyberdin pour remplacer momentanément son FN-P90 qui l'avait lâché. L'un d'eux était enrayé, Jeff le répara aisément. Moïra étudia son nouveau fusil pris sur la snipeuse, Jeff héritait du superbe katana de Spirit, ... etc.. chacun trouva son compte. Restait le masque de Spirit, que Sven avait prélevé sur son cadavre et la sphère, que Chipa avait conservé dans sa poche. Sven rechigna à fournir le masque pour que tous puisse étudier les deux pièces du précieux appareil. Les débats inutiles recommencèrent... Ce fut au tour de Jeff de s'agacer de ces tergiversations. D'une voix ferme, il intima à Sven de céder. A contre-coeur ce dernier jeta le masque vers Chipa et Garance et partit rechigner dans un coin. Après que Garance ait détecté une partie du fonctionnement de l'engin (celui-ci était programmé pour cibler les porteurs des implants braindance), Sven revint cependant les aider, visiblement plus calme. Le dispositif pouvait être reprogrammé, mais ça prendrait du temps. Inutile de penser à les utiliser pour cette mission.

Sven fit bonne figure, confia le masque et la sphère à Chipahuac et tous purent se pencher sur les plans du dôme. Il ne fallait pas exclure l'existence d'un ordinateur central. Le contrôler, le désactiver ou le détruire les protègerait une fois pour toute d'un caprice du système de défense. Ils identifièrent une pièce qui correspondait à cet usage, non loin du cabinet médical de Scan au premier étage. D'ailleurs, Moïra avait l'idée d'effectuer sur la cyborg sa technique de tatouage mémoriel afin de vérifer si certains éléments ne leur avaient pas échappés. Le Révérend et Arlette devaient se trouver au 2e étage... ou bien au sous-sol... Il ne fallait pas oublier Jack, dont l'interrogatoire pouvait apporter quelques éléments stratégiques, avant d'en finir avec lui définitivement. Saboter tous les véhicules enfin, pour empêcher toute retraite.

Chipahuac, Garance, et Moïra se rendraient donc directement au dôme pour commencer un premier nettoyage éventuel, découvrir la salle de l'ordinateur et permettre à Moïra d'opérer sur Scan. Sven et Jeff iraient s'occuper de Jack , de son buggie et des triporteurs.

Le plan fut mis à exécution. Avec leurs visions infrarouges, Moïra et Sven s'assurèrent en longeant le dôme qu'aucune forme de vie ne les menaçaient dans l'immédiat. Pas âme qui vive. On pouvait y aller. Les trois filles s'engouffrèrent dans le sas. Un drone se tenait au milieu du couloir pour leur barrer l'entrée, mais ne broncha pas. Elles arrivèrent dans la grande salle, puis se hissèrent sans encombre jusqu'au 1er. Chipa trouva une clef dans le doigt de Scan. Après l'avoir essayé, elle constata qu'elle

permettait de faire fonctionner les escaliers - sans toutefois donner l'accès au sous-sol - et d'ouvrir les portes magnétiquement closes. Elles accédèrent ainsi à deux petites pièces pleines d'écrans, séparées entre elles par un petit bloc médical. Il s'agissait de la transmission filmée de toutes les caméras. Les drones étaient tous à l'extérieur, deux cyborgs au rez-de-chaussée, les trois autres hors du dôme, ainsi que les trois chiens. Se sachant à l'abri, Moïra put donc se brancher sur le corps de Scan en toute sûreté et commença à entrer en transe.

Pendant ce temps, Sven et Jeff avaient fait leur office. Après un échange de coups de feu, Jack avait été rapidement maîtrisé. Sven avait révélé un talent caché de tortionnaire pour le faire parler. L'homme à tout faire ne savait pas grand chose. De ses mains puissantes, Sven lui brisa les cervicales dans un mouvement de torsion rapide, efficace et indolore. Sur lui, un pass magnétique, sa carte S.I.N., quelques dollars, trois puces, et les clefs du buggie. Ils prirent quelques cordes et partirent rejoindre les filles.

Une fois réunis, Garance et Sven tentèrent de pénétrer l'ordinateur central, mais le niveau de protection informatique demeura hermétiquement clos à leurs tentatives. La carte S.I.N. ou le pass magnétique de Jack ne leur furent d'aucune utilité.

Une quinzaines de minutes plus tard, Moïra émergea de sa séance de tatouage. L'exercice sur une entité non-organique avait été pour le moins éprouvante, ce n'est que lentement et avec difficulté qu'elle reprit ses esprits. Elle révéla à tous ce qu'elle avait découvert. Le Révérend était apparu lors de sa vision dans différents contextes : rencontres d'affaires, soirées mondaines, orgies... Tout ce qu'on pouvait attendre du personnage. Ce qui était surprenant, c'est que ces images ne constituaient pas de purs et simples enregistrements du cerveau artificiel. Il s'agissait à proprement parler de souvenirs réellement vécus. Autrement dit, Scan ETAIT le Révérend. Du moins en partie... Car, et c'était l'autre révélation du voyage de Moïra dans le subconscient de la machine : les images les plus récentes remontaient à trois mois. Soit le moment où l'homme d'affaires avait fait son voyage au Japon. La tête du Révérend et sans aucun doute celle d'Arlette fourniraient donc les autres parties du puzzle.

Sven, qui avait déjà soigneusement éxaminé Scan lors de leur arrivée, remarqua sur la poitrine de la créature métallique ce qui ressemblait au couvercle à peine visible d'un espace-réceptacle à l'intérieur. Délicatement, les doigts cyber-chirurgicaux de Moïra le dévissèrent, et ouvrirent le panneau. Un noyau étrange, alimenté par du liquide de refroidissement, diffusait une luminescence palotte et bleuâtre. C'était donc là le véritable centre de la conscience de Scan. Passé un moment d'étonnement et de satisfaction, ils débranchèrent avec soin toutes les tubulures et les fils qui reliaient le coeur de la machine et le plaçèrent dans le caisson cryogénique quie Vladimir leur avait confié. Le deuxième étage était accessible par trois autres escaliers qui partaient du premier. A l'aide de la clef de Scan et du pass magnétique, l'équipe se scinda en autant de groupes pour couvrir toute tentative de fuite d'Arlette ou du Révérend. Garance et Jeff furent les premiers à l'apercevoir, fièvreux, affairé sur un ordinateur, sans doute dans une ultime tentative pour reprendre la main sur le système de sécurité. Titubant, faible, il se tourna vers les nouveaux arrivants. Alors qu'il tentait de pointer son arme vers eux, Jeff lui trancha la main avec son katana, tandis que Garance atteignait son épaule d'une seule balle. L'homme s'écroûla. Chipahuac, Moïra et Sven étaient parvenus à les rejoindre à la hâte et tous contemplèrent le pitoyable spectacle du Révérend Révérend Robert, proche de sa fin. On l'interrogea.

A un moment, ils avaient vu son oeil frontal changer de couleur. Devinant que ce dernier le reliait à Arlette ou à un quelconque système de protection, Moïra fouilla à l'intérieur avec ses doigts métalliques, manifestant une joie évidente et malsaine tandis qu'un vide sanglant remplaçait l'organe cybernétique. Chipahuac se prit à sourire rêveusement, se demandant un instant si ces instruments digitaux pouvaient porter plusieurs embouts, s'ils pouvaient enclencher un mode vibratoire, avoir des utilités plus... récréatives. Le Révérend s'évanouit. On le réveilla, on l'interrogea encore, on le ranima, plusieurs fois... Jeff lui fit quelques bandages, Moïra usa également de ses connaissances médicales, Garance dut sans doute lui injecter quelque Guérivit, Chipahuac lui broya une cheville d'une seule main dans l'espoir de lui arracher quelques dernières paroles, il bredouilla qu'Arlette était partie depuis une heure et demie, il expira. Chipahuac découpa soigneusement sa tête avec le

tranchant de son Bigripp et la plaça à son tour dans le caisson. 


Garance et Moïra avait espéré pirater ce nouvel ordinateur, puis encore ceux du premier, grâce à ces nouvelles acquisitions, mais toujours en vain.

Pendant ce temps, Sven avait de nouveau perdu patience et décidé d'emprunter seul le puits central. Le pass de Jack lui avait permis d'y découvrir un monte-charge et de le faire fonctionner, pour descendre - enfin - jusqu'au sous-sol... Malheureusement, une autre carte lui manquait pour ouvrir la porte. Grâce à sa vision IR, il eut le temps de repérer six ou sept sources de chaleurs de forme humanoïdes. L'une d'elle avait hurlé et s'était écroûlée à terre, semble-t-il au moment où le Révérend avait eu son oeil arraché. Arlette... Sven n'eut d'autre choix que de remonter. Ils trouvèrent des cartes S.I.N. sur le Révérend, fouillèrent rapidement et méthodiquement l'étage, mais il n'y avait là plus rien d'intéressant.

La sirène continuait son chant plaintif...

Et c'est tous ensemble qu'ils arrivèrent au sous-sol. Juste avant d'ouvrir la porte avec la carte du Révérend, Sven et Moïra avait vu les formes s'enfuir précipitamment, manifestement paniquées. Sans hésiter, ils furent à leurs trousses. Chipahuac devant, elle enfonça d'un seul coup de pied une première porte à double battant, puis une deuxième. Par la droite, un malheureux avait surgi d'un frigo. Elle le déchiqueta en un éclair ralentissant à peine sa course. Une forme s'échappa vers la gauche, une autre vers la droite. Grance prit un côté, Sven et Jeff l'autre, Chipa et Moïra continuait tout droit. Elles débouchèrent toutes les deux sur une vaste pièce où s'affolaient six employés, femmes et hommes et Arlette, au fond, alitée. Elles firent feu, six corps tombèrent. Garance, Jeff et Sven, s'étaient occupés des autres fuyards.

Arlette était mourante. Chipahuac ne prit pas de gants et la mitrailla de questions, sans ménagement. L'argent était-il viré ? Pourquoi Vladimir voulait sa peau ? Mais l'autre la regarda pleine de haine. "Tu m'as tuée, salope" articula-t-elle faiblement. Chipa avança sa main vers son oeil frontal, Arlette cria, la peur au fond du regard, répétant les mêmes mots. Sven et Jeff s'interposèrent et voulurent calmer la jeune femme, quand l'oeil commença à rougeoyer en brûlant la main de Chipahuac. Elle arracha l'optique aussi sec et le jeta au loin. Un hurlement de douleur creva les murs, puis la voix d'Arlette se fit de plus en plus faible... Dans un murmure, Chipa l'entendit encore : "Embrasse-moi, salope"...

Chipahuac ne s'attendait pas à cela. Elle prit soudain conscience de la douceur frêle et touchante de l'adolescente. Des images langoureuses lui venaient à l'esprit. Elle n'avait jamais goûté le souffle d'une agonisante. La mort avait quelque chose d'irrésistible et sensuel... elle ne résista pas. Lentement, elle posa ses lèvres lipeuses sur celles d'Arlette. La jeune femme enfonça éperdument sa langue au fond de sa bouche dans un long baiser flottant et lourd à la fois. Chipahuac sentit que le sang lui montait à la tête, comme le désir montait dans son corps jusqu'à la pointe de ses seins. Une insondable chaleur l'envahissait, tout tourbillonait de plaisir, le temps gravitait, suspendu. Quand...

Une douleur fulgurante attaqua le fond de sa gorge. Chipahuac s'arracha vivement de l'étreinte ! La poupée affichait un sourire cruel et ensanglanté. Un contact métallique rampait depuis son gosier et frayait son chemin vers ses entrailles. Un ver cybernétique tueur, une arme sournoise qui ravageait son hôte. Ivre de douleur et de colère, Chipa éructa une malédiction et lança sa main vers la gorge d'Arlette, prête à la broyer. Mais Sven la saisit avant qu'elle n'atteigne son objectif. On s'empressa d'immobiliser Chipahuac, affaiblie par la bête qui continuait son cheminement mortel. Elle sentit une piqûre de tranquilisant. Sven tira Arlette vers l'ascenseur, accompagné de Jeff et de Moïra, mais Chipa avait encore assez d'energie pour les poursuivre, hurlant toujours sa colère. Bientôt cependant, elle tomba à quatre pattes, le ver avait atteint ses organes. Lorsque Sven atteint l'ascenseur, il était trop tard, la porte s'était refermée.

Sven et les autres espéraient encore arracher quelques bribes d'informations à Arlette. Mais le ver, en s'expulsant, avait créé des dommages aussi sur elle : l'intérieur de sa bouche était en lambeaux, Arlette ne dirait plus jamais aucun mot de toute manière. Sven ne put qu'abréger ses souffrances

avec sa méthode habituelle, lui brisant les cervicales. La vie abandonna Arlette pour toujours. Ils redescendirent avec son corps sans vie. Garance trancha la dernière tête et l'enferma dans le caisson avec celle du Révérend et le noyau de Scan. Chipa continuait d'être ravagée de l'intérieur. Si elle survivait, elle se souviendrait de la traîtrise de Sven. Moïra et Jeff usèrent de toutes leurs connaissances médicales et Garance dispensa une dose de Guérivit. Au bout d'un moment, le ver ne sembla plus bouger dans son ventre. Ils l'amenèrent au bloc médical pour cautériser les plaies hémorragiques internes. Elle se sentit un peu mieux. Calmée. Pour le moment... Ils sortirent devant les drones toujours immobiles et rassemblèrent de nouveau le matériel glané depuis la veille, quelques flingues en supplément, une quinzaine d'implants braindance, des micros goutelettes, des caméras miniatures, etc... et chargèrent le tout dans le buggie. Yod était bloqué à l'entrée du mur d'enceinte. Quel bordel c'était encore que ÇA !

Ils embarquèrent...

Au loin, la sirène hurlait toujours...

Le retour se passa sans encombres, sous la protection d'Irina et de Sergueï qui étaient restés dans les environs durant tout ce temps. Une fois déposés en ville, la Fouine les prévint que Vladimir les attendait pour dîner. Le repas commença avec quelques banalités. Peu après, Yod fut congédié au moment des discussions sérieuses. On remit le caisson cryogénique avec les trois têtes et l'explication qui allait avec. Après avoir fait examiner son butin, Vladimir revint à la fois plus que surpris et – ils n'en avaient pas l'habitude - satisfait. Non seulement les dettes étaient épongées, mais ils seraient désormais considérés comme des alliés par le caïd mafieux. Et Chipahuac ne sut pas s'il fallait s'en réjouir ou s'en inquiéter... La Double-déesse ferait le tri du sang, quoi qu'il arrive, et elle se rassura.