COW RUNNER
LES CATCHEUSES RÊVENT-ELLES DE VACHES ÉLECTRIQUES ?
épisode 5 : Il était une fois dans le snuff...
La Môme avait été pour une fois à peu près claire. La réussite de la mission soldait toutes les dettes. Vladimir satisfait, ils étaient libres, voire, au-delà de leurs espérances, rémunérés grassement. Il fallait "jouer le jeu". Participer à un snuff un peu glauque, ramener à Vladimir la tête "bien pleine" du Révérend dans un caisson cryogénique, éliminer tous les témoins. Yod Garbage encaisserait sa com et ferait office de caution auprès de la production.
Accessoirement, il avait joué les chauffeurs. A bord d'une aéronavette, ils traversèrent le désert - un paysage familier qui laissa Chipahuac pensive - jusqu'aux frontières du Montana. Un dôme isolé était apparu, encerclé d'un mur d'enceinte. Des drones, des cyborgs, une sécurité et une surveillance à toute épreuve. Par expérience, par instinct, machinalement, évidemment, Chipahuac reconnut la nécessité probable de mesures radicales dans la suite des événements.
Ils avaient été accueillis par Jack, un homme à tout faire un peu taiseux mais affable, et qui ne semblait pas inquiétant malgré ses deux bras cybernétiques massifs. Celui-ci les avait guidés au centre du vaste dôme, qui était divisé en plusieurs niveaux. Deux étages surplombaient en coursives le rez-de-chaussée, lui-même répandu en une salle immense et circulaire qui épousait la forme de l'architecture et occupait toute la surface au sol. Au milieu, une longue cheminée cylindrique montait jusqu'au sommet. De part et d'autre, six escaliers en colimaçon, également enfermés dans des tubes, montaient au premier.
Au deuxième, une porte s'ouvrit, laissant passer deux silhouettes qui disparurent aussitôt pour s'engouffrer dans une autre pièce. Sven avait pâli en reconnaissant au loin un certain Gibbs.
Un autre Sven était alors apparu, avec des trous de mémoire, tremblant, désorienté. Sven connaissait Gibbs, mais ne pouvait en dire plus. Ou ne le voulait pas. Il devenait de plus en plus évident à tous qu'il y avait bien deux Sven. A surveiller... Puis les hôtes s'étaient enfin manifestés.
Comme en avait prévenu la Môme, le Révérend était revenu du Japon avec Arlette, une jeune à peine pubère aux allures de jouet sexuel.
Il s'était aussi flanqué de Scan, une femme
cyborg énigmatique qui parlait peu, cachait sans doute beaucoup. Tous
portaient un 3e oeil cybernétique au milieu du front, qui faisait sans
doute bien plus que filmer.
Arlette était aux commandes, réalisatrice, scénariste, tandis que le Révérend avait le comportement d'une midinette de 10 ans. Il ne fallait pas être bien malin pour deviner la supercherie. Japon, ghost, transfert de conscience. Tout ce bordel nippon alambiqué qui ne survivrait pas au 6e soleil. Pour plus de sureté, l'équipe ramènerait deux têtes, ça tiendrait bien en tassant un peu le caisson cryo.
L'équipe adverse était arrivée peu après. Ils étaient six. Chipahuac avait immédiatement souri. Des branques... Arlette et le Révérend entrèrent dans les explications. Le snuff ressemblait à un mauvais western qui se déroulerait le lendemain à l'aube dans un village reconstitué pour l'occasion, au-delà d'un petit canyon. L'enjeu était de délivrer Arlette de leurs griffes. Pour mettre un peu de piment, tout le monde s'était vu greffé par Scan un implant braindance pour renforcer les émotions du spectateur. Les bandits contre les cinq mercenaires. Ce soir, on se payait leur tête. Demain ce serait pour de bon, peut-être même avant...
Pour passer la nuit, les équipes avaient eu accès à des appartements situés dans des bâtiments à l'extérieur
du dôme. Chez ceux d'en face, l'un des types avait eu la bonne idée de
fumer sa clope à la fenêtre, toutes lumières allumées. Chipa et ses amis
avaient bien ri. Des branques... Moïra, en bon sniper, avait fait
mouche évidemment. En retour, leur tireuse d'élite avait un peu surpris
en explosant les murs de leur baraque. Du bon matos à ramener pour plus
tard. En attendant, l'équilibre était rétabli, ils n'étaient plus que
cinq.